Sans Poil, livre I : Arriver au monde (2nde partie)

Fourrure Dense dort profondément, épuisée par la naissance de son étrange petit et le long voyage qui a suivi. Le léger courant d’air amène l’humidité fraîche sur le doux et chaud pelage de la femelle. Le bébé, bien recouvert, regarde le ciel. Ses grands yeux bleus admirent tous ces points brillants sur fond mauve. Son visage est enjoué et il sourit, une main tendue vers le ciel. Mais il est bientôt perturbé par une sensation désagréable. Il fronce ses minces sourcils et tourne la tête en gémissant, se blottissant contre sa mère et attrapant quelques poils de chaque main.

« Fourrure Dense, réveille-toi ! » Taches Brunes la secoue au niveau de la patte avant, le regard toujours fixé au sol.

De légers bruits se font entendre. Trop subtils pour des oreilles non averties. Mais Taches Brunes est une Grand Singe. Ses sens sont évolués et son attention particulièrement affûtée.

« Reste où tu es, qui que tu sois ! » crie-elle toutes dents dehors à la grande ombre qu’elle voit se faufiler au sol.

Son cri réveille sa sœur qui d’un bond se met sur ses gardes, le petit bien tenu contre elle. Elle regarde à son tour vers le bas :

« Recule Fourrure Dense, fuis !

– Je ne te laisse pas seule, grande sœur.

– Fuis, je te dis ! Retourne vers les Grands Feuillus. Les Becs Crochus dorment la nuit. Je te rejoins plus tard. Et prends grand soin de ton enfant. »

La mère regarde, affolée, sa sœur un dernier instant puis bondit dans l’arbre voisin. Dans un bruissement de feuilles et quelques craquements de branches, elle disparaît dans l’immensité de la forêt.

« Il est rare de trouver une telle chair délicate par ici, siffle l’ombre au sol.

– Tu n’auras pas eu la plus tendre. Et la mienne se gagne au péril de ta vie, lui répond Taches Brunes, lui montrant toujours ses puissants crocs.

– Il est vrai qu’il est difficile de vous attraper, vous, les Grands Singes. »

L’ombre s’avance et la tête de Branche Qui Mange apparaît dans un rayon de lune. Ses deux langues hument l’air régulièrement, ce qui donne au prédateur une voix sibilante. Taches Brunes recule de crainte.

« Je sais que tu es plus agile dans la rivière que sur terre. Comment comptes-tu m’attraper ? lui demande-t-elle.

– Je comptais le faire durant ton sommeil. Mais apparemment tu ne dormais pas. Je vais devoir me contenter du brûlant désir de mon corps étreignant le tien jusqu’à ton dernier souffle.

– Alors nous en restons là ?

– Comme tu l’as dit, je ne suis pas ici dans mon élément préféré. Et sans la surprise de mon attaque, ne je peux rien.

– Je te souhaite de trouver ton repas… ailleurs, Branche Qui Mange. »

La femelle, rassurée, saute d’un bond vigoureux vers l’arbre voisin, sur les traces de sa petite sœur. Quelques heures après, suivant l’odeur de la mère et de son nouveau-né, elle rattrape son retard.

« Fourrure Dense ! s’écrie Taches Brunes en direction de cette dernière.

– Je suis là ! »

Les deux femelles se retrouvent et se câlinent. La tension redescend. Les cœurs se rassérènent.

« Et le petit ? Il va bien, il n’a rien ? »

Elles se penchent sur la petite créature frêle qui tête goulûment le sein pour se rassurer et oublier cette épreuve difficile, cette sensation douloureuse de danger.

« Pourquoi es-tu si protectrice avec lui ? lui demande Fourrure Dense. Ce n’est pas le tien et il est anormal.

– Il n’est pas anormal. Il est juste… différent. »

 

Au matin, Quatre Mains Puissantes a toujours le regard à l’horizon, attentif au moindre bruit qui pourrait venir de la vallée. Le soleil lève ses derniers rayons quand Bouche Rose le rejoint. Il tourne légèrement la tête vers elle avant de reprendre  rapidement sa position de garde.

« Toujours rien ? lui demande-elle.

– Non… Je n’ai eu aucun signe.

– Mon cœur de mère me dit qu’elles vont bien. Et qu’elles vont bientôt revenir. J’en suis sûre.

– Je l’espère tout autant que toi.

– Que feras-tu à leur retour, laisseras-tu ta colère parler à ta place ? »

Le puissant mâle regarde au sol.

« Depuis que ce doute s’est emparé de mon cœur, je ne me reconnais plus. Je ne sais pas comment je réagirai à leur retour. Et quelle que soit ma réaction, je me ferai peur. J’en suis sûr.

– La naissance de ce petit a déjà changé beaucoup de chose. Et j’ai l’impression que ça ne va pas s’arrêter là.

– Mais s’il est trop différent de nous, comment va-t-il vivre parmi nous ?

– Je pense que s’il est né chez nous, c’est qu’il y sera bien. En tout cas, il faut que nous fassions tout pour que cela se passe bien.

– Je sens déjà les tensions de ces bouleversements déchirer le clan. Non, vraiment, Bouche Rose, un être différent, malformé ou non, ne peut pas rester dans un groupe sans le briser. Il va forcément y avoir…

– Des changements, Quatre Mains Puissantes, des changements, pas des troubles. Ce pauvre petit être, quel qu’il soit, n’a rien demandé à personne.

– Les autres membres du clan non plus, n’ont rien demandé à personne ! Et les bien-portants priment sur les nouveau-nés et les bébés, tu le sais très bien. Et l’unité du clan prime sur n’importe lequel de ses membres. » Le chef observe l’horizon, sûr de lui, sûr de ses principes de survie.

Cette fois, c’est la vieille femelle qui penche la tête vers le sol.

« Et si cet être différent, malformé ou non, était bien plus important que tout le clan lui-même ? »

Le gros mâle se tourne brutalement vers elle, le regard sombre.

« Comment oses-tu dire une chose pareille ?  grogne-t-il.

– Excuse les mots déplacés d’une vieille mère dont la crainte d’avoir perdu ses deux enfants altère le jugement », murmure-t-elle en position de soumission.

Elle s’éloigne et va rejoindre les autres membres encore endormis.

 

Quelques heures plus tard, tous sont éveillés et cherchent leur nourriture ou s’épouillent au son des feuilles balancées par le vent léger. Les jeunes s’amusent dans les bas branchages, non loin des adultes. Saute Haut et Petits Yeux, respectivement le fils et la fille de Regard Tourné importunent Mange Tout, le fils de Taches Brunes. Tous sont les nouveaux enfants de Quatre Mains Puissantes, tout comme Sans Poil.

« Alors, elle est où ta mère, Mange Tout, hein ? Elle est partie ! » Saute Haut attrape le petit de la femelle disparue par la queue et la tire jusqu’à lui.

« Aïe ! Mais lâche-moi.

– Toi lâche ça ! Tu ne fais que manger alors que ta mère est loin. Tu n’as même pas le cran d’aller à sa recherche. Tu restes là à t’empiffrer en longueur de journée, le provoque Petits yeux en lui arrachant des mains le bâton qu’il rongeait.

– Moi, si ma mère disparaissait, j’irai la sauver, ajoute le fils de Regard Tourné.

– Quatre Mains Puissantes nous a interdit d’y aller, se défend Mange Tout.

– Et alors ? Tu préfères la laisser mourir ? Tu n’as pas envie de la revoir ? »

Les paroles déplacées de la jeune femelle arrogante blessent le petit déjà anxieux.

« Oh, il pleure, le pauvre petit », se moque Saute Haut de son demi-frère en le tapant sur la tête.

Mange Tout, plus jeune mais déjà bien plus corpulent, se fâche. Il se redresse sur ses pattes et comment à montrer les crocs :

« Foutez-moi la paix ! Viens te battre, Saute Haut. On va voir qui c’est le plus couard de nous deux. »

Le petit singe présomptueux saute vite se réfugier dans les hautes branches de l’arbre au dessus de lui. Il sait que Mange Tout est trop lourd et trop lent pour le suivre jusqu’ici. Sa sœur le rejoint. Voyant que la colère de l’orphelin ne fait que monter, Saute haut, du haut de son perchoir, se met à rire. Mais les cris de Mange Tout ont alarmé les adultes. Quatre Mains Puissantes, en ce moment attentif au moindre signe, arrive le premier, suivi de Bouche Rose et de Regard Tourné.

« Qu’est-ce qu’il se passe ici ? » grogne le gros chef.

Apeuré, Mange Tout se calme instantanément et recule, en posture de soumission totale. Les deux autres descendent de l’arbre, l’air innocent et prennent la même posture.

« Vous croyez que je n’ai que ça à faire de venir vous surveiller ? Je croyais que l’un de vous était en danger. Ce n’est pas le moment de me faire perdre mon temps ! »

La voix du puissant mâle résonne dans les oreilles des petits effrayés. Celui-ci fait de suite demi-tour et se dirige vers son site de veille. Regard Tourné vient récupérer ses petits alors que Bouche Rose s’assied à côté de Mange Tout.

« Ce petit est aussi indiscipliné que sa mère, on dirait. Il fait autant perdre de temps à notre chef, qu’elle », laisse échapper Regard Tourné cette malheureuse réflexion, pensant que les vieilles oreilles de Bouche Rose ne l’entendraient pas.

Mais la femelle âgée n’en a pas perdu un mot et se redresse de suite, montrant les crocs. D’un bond, elle se retrouve tout près de la mère arrogante :

« Je te rappelle que Taches Brunes, tout comme moi, sommes tes supérieures ! Ne fais pas l’erreur de croire que tu vas nous remplacer, jeune femelle. » La bave de la rage éclabousse entre ses crocs usés mais toujours acérés.

Regard Tournée l’observe d’une froide colère mais elle n’a pas le choix, elle doit se mettre dans la position de soumission due à son rang. Elle se contrôle mais il est facilement constatable qu’elle n’accepte pas cela. De fait, la vieille mère approche davantage les crocs de sa gorge, l’incitant à plier encore un peu. De longues secondes passent. La jeune femelle plie et baisse enfin les yeux.

« Tu as peut être assez de charme pour séduire notre jeune chef mais comme tout bon chef, Quatre Mains Puissantes commence à se rendre compte que la sagesse prime sur la force. Il ne lui faudra pas longtemps pour comprendre qu’elle prime aussi sur les autres atouts physiques. Taches Brunes est très importante pour lui. Qu’elle meure, ainsi que sa descendance, t’arrangerait, hein ?

– Je ne souhaite le malheur d’aucun membre du clan, Bouche Rose, se force-t-elle à prononcer le plus naturellement ces mots pour échapper au courroux de sa matriarche.

– Tes petits aussi sont à ton image, Regard Tourné. Aussi viles et vicieux. Aussi méchants et couards. Va ! »

La femelle ne se fait pas prier et s’extirpe très vite de la domination de Bouche Rose, partant au petit galop avec ses petits. Mange Tout vient à son tour s’asseoir à côté de sa grand-mère.

« Quand ils t’ennuient, vient me rejoindre.

– Oui, Bouche Rose.

– Ne t’inquiète pas pour ta mère. Elle va revenir. Avec sa sœur. Avec un nouveau membre. »

 

Au soir, Fourrure Dense et Taches Brunes arrivent dans la vallée en contrebas du lieu où se trouve clan. Alors qu’elles sautent de branches en branches, elles aperçoivent une ombre fugace passer en dessous d’elles. Taches Brunes, habituée à s’éloigner du groupe l’a tout de suite identifié :

« Les Dents Longues, Fourrure Dense ! Ne t’arrête pas. Nous sommes tout près. »

La jeune mère regarde autour d’elle, affolée. Elle est beaucoup moins accoutumée à ce genre de poursuite. Elle n’aime pas s’éloigner du rassurant Quatre Mains Puissantes. La peur s’emparant de son cœur alors qu’elle aperçoit à son tour l’ombre de l’un des grands félins. Elle choisit mal la branche suivante et cette dernière cède sous le poids et la vitesse de la course. La femelle tombe de quelques mètres et se rattrape de justesse à une autre branche, plus solide. Seulement celle-ci est bien plus basse et les Dents Longues commencent à se regrouper. Taches Brunes fait demi-tour et gonfle son pelage, tous crocs dehors. La puissance de son cri en fait s’éloigner quelques-uns. Fourrure Dense saute vers les hauteurs alors que sa sœur prend sa place. A ce moment-là, une Dent Longue bondit dans l’espoir d’attraper la jeune mère mais sa trajectoire est déviée par l’attaque de la sœur. Un puissant coup de patte dans le museau et le prédateur retombe à terre. Taches Brunes saute de justesse sur une branche plus haute alors qu’une autre Dent Longue l’attaque à son tour.

 

Les hurlements d’un petit et de deux femelles de son peuple, les arbres secoués par la course et la bataille, les grognements des Dents Longues : il n’en fallait pas plus à Quatre Mains Puissantes pour sauter dans la vallée d’un bond rapide et irréfléchi. Les autres membres sursautent, surpris par le mouvement inattendu de leur chef. Ils s’amassent tous au bord du rocher pour comprendre de quoi il retourne.

 

Quatre Mains Puissantes se réceptionne avec une grande agilité malgré sa corpulence impressionnante. Il enchaîne à ceci une puissante course directement au sol. Ses pas font trembler la terre. Les animaux paniquent sur son passage : les oiseaux en perdent des plumes et emportent d’innombrables feuilles dans leur fuite. Les autres se cachent le plus rapidement possible. Préférant ne pas prendre de risque dans un combat qui sera forcément à mort si la moindre goutte de sang est versée, le puissant mâle hurle sa rage à s’en défaire sa lourde mâchoire. Les Dents Longues dressent l’oreille, stoppées nets dans leurs mouvements. Quelques secondes de réflexion, les prédateurs comprennent très vite que la fuite est préférable. Néanmoins, il en reste deux que la faim a rendu imprudents : l’odeur alléchante des deux femelles et du nouveau-né ayant affolé leurs sens. Le puissant chef arrive de toute sa superbe, le pelage aussi gonflé que possible. Ainsi, il parait trois fois plus gros que les femelles. Son arrivée rapide surprend les deux félins malavisés. L’énorme mâle en attrape un par le cou et le projette violemment sur un tronc proche. Alors que le premier ne se relèvera pas de cette fulgurante attaque, le second tente de fuir aussi vite que possible. Quatre Mains Puissantes se jette à sa poursuite sur quelques dizaines de mètres mais il le laisse partir, préférant revenir vers les femelles. Ces dernières sont prostrées dans les hauteurs qu’elles ont réussi à atteindre. Leur chef réapparaît. Il est calme, il reprend son souffle. Son pelage se tasse pour reprendre sa densité habituelle. Il lève la tête vers elles et s’assied.

« Vous pouvez descendre. Il n’y a plus de danger. »

Taches Brunes avance un peu mais s’arrête au milieu de l’arbre.

« Il n’y a plus de danger, je vous dit. Il faut rentrer au rocher. »

Le mâle se relève et commence à marcher.

« Quatre Mains Puissantes, attends », l’interpelle-t-elle.

Il retourne la tête, légèrement agacé.

« Quoi ?

– Avant de rentrer, je veux être sûre que tu n’es pas comme ces Dents Longues, ou comme les Becs Crochus, ou encore comme Branche Qui Mange. Je veux être sûre que tu n’es pas un danger pour cet enfant.

– Enfant ?

– Oui. Ce n’est pas un petit comme les autres. C’est un enfant.

– C’est quoi ce mot, tu l’as inventé ?

–  Je sais que ce mot désigne cet être qui vient de chez nous mais qui n’est pas un des nôtres. Alors, tu es aussi un danger pour lui, oui ou non ? »

Le gros mâle revient sur ses pas. La femelle se redresse, prête à bondir plus haut.

« Descends Fourrure Dense. Et vient me montrer ce petit qui met tant de pagaille dans notre clan. »

Sa voix est calme. Taches Brunes en est surprise. Fourrure Dense, elle, se sent rassurée et obéit. La grande sœur ne peut s’empêcher d’avoir des craintes.

« N’ais pas peur, Taches Brunes. J’ai appris ton histoire. Je ne tuerai pas ce petit. Je veux juste le voir. »

Les deux femelles descendent de l’arbre et arrivent aux côtés du gros mâle. Les trois adultes se regardent longuement dans les yeux… Puis les deux femelles les baissent en gage de soumission. Fourrure Dense écarte alors les pattes et découvre le petit être fragile. Celui-ci pleure encore un peu mais ses cris de tout à l’heure l’ont fatigué. Quatre Mains Puissante regarde l’enfant sans mot dire. Ses yeux sont ronds de surprise, il est fasciné par sa vulnérabilité. Il observe longuement cette petite chose si fragile, si frêle, si rose, si différente de lui. Et dire que ceci est son fils. Les grands yeux du mâle sont alors attendris et l’inquiétude vient se mêler à sa fascination.

« Il est… si petit. » Il approche son immense patte du bébé et s’aperçoit qu’elle est plus grande que lui.

Il arrête son geste et retire doucement sa patte. Le bébé se cachait sous ses minuscules mains, par crainte de cette grosse chose qui venait vers lui.

« Je ne voulais pas le garder, Quatre Mains Puissantes. Mais Taches Brunes m’a dit qu’il ne fallait pas le tuer. Je suis désolée. »

Le chef tourne son impressionnante tête vers la grande sœur. N’importe quel membre du clan aurait imploré son pardon avec la position de soumission la plus basse. Mais Taches Brunes se contente d’avoir les yeux qui tremblent de crainte. Néanmoins, elle ne détourne pas le regard et soutien celui du gros mâle, déterminée à se lever contre quiconque voudra toucher à cet enfant.

« Tu as l’air si sûre de toi, Taches Brunes. Pourquoi tant de risques pour ce petit si fragile ?

– Il doit en être ainsi. S’il te plait, ne me pose pas tant de questions. Je sais juste que je dois le protéger. Il doit vivre. C’est tout. »

La femelle est de plus en plus inquiète de la réaction de son chef, bien que son attendrissement la surprenne véritablement.

« La sagesse de ton père coule en toi. Je respecterai donc ta parole, jeune femelle. »

Taches Brunes est plus que surprise mais enfin soulagée.

 

Dans le clan, c’est l’effervescence. Tout le monde se demande ce qui se passe. Seulement, il n’y a pour l’instant ici aucun mâle capable de réussir là où échouerait Quatre Mains Puissantes. Et la plupart des membres sont des femelles. Alors que tout le monde est inquiet au plus haut point, les trois Grands Singes arrivent enfin au rocher. Tout le clan est attentif au moindre de leurs pas. Et tous ne cachent pas leur joie de les revoir vivants. Quoi que Regard Tourné a du mal à se forcer cette fois. Mais elle est tout de même très heureuse de retrouver son chef et cela l’aide à cacher sa peine de revoir Taches Brunes. Bouches Roses avance la première et rêve de toucher ses filles. Mais tout le monde sait qu’il y a quelque chose de nouveau. Tout le monde veut voir le petit de Fourrure Dense !

 

Quatre Mains Puissants se met à une place surélevée et fait retentir sa grosse voix de chef :

« Fourrure Dense et Taches Brunes sont enfin à nouveau parmi nous. Réjouissons-nous de leur retour. Et Fourrure Dense nous revient avec son petit. Celui-ci est très différent de nous mais je l’ai bien observé, tout semble fonctionner comme il faut. Ses mains semblent malformées au niveau des pattes arrière mais puisqu’il est différent, cela est peut-être normal. Nous devons faire en sorte qu’il vive, comme le demande ardemment Taches Brunes. Je vous demande à tous d’en prendre grand soin. Je tuerai de mes mains quiconque s’aviserait de lui faire du mal ! » Il montre les crocs sur cette dernière phrase.

Le clan frissonne et reste attentif. Fourrure Dense, aux côtés de son chef, desserre ses pattes avant et le présente à tous. Tous les yeux sont rivés vers le petit être rose, sans queue, aux mains étranges et aux grands yeux couleur du ciel. Le bébé est tour à tour curieux et apeuré. Il voit devant lui toute la famille dont il est issu, lui, l’être étrange.

« La première chose m’ayant surpris, surtout connaissant la mère, est son manque de pelage. Je nomme alors mon fils : Sans Poil ! »

Les Grands Singes hochent de la tête en guise d’acceptation et s’approchent davantage pour le voir. Le bébé se blottit contre sa mère.

« Attention, vous l’effrayez », les prévient Fourrure Dense en souriant.

Bouche Rose vient embrasser ses filles, soulagée de les revoir en vie. Elle regarde le nouveau-né un instant, fronce légèrement les sourcils comme si elle cherchait dans sa mémoire, puis regarde sa première fille. Cette dernière baisse les yeux, attristée. La vieille femelle comprend alors que ses souvenirs étaient justes.

suite...

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